Cécile
Guieu campe avec la Boîte en valise
(Anne Guillois,
Loïc Salaün, Gwenola Saillard-Calvez, Matthias Saillard)
Campement /
déplacement - work in progress du 2 au 28 mai 2014
Quand
5 artistes se déplacent à l'Atelier Alain Lebras pendant un mois,
c'est pour inviter le spectateur à vivre l'expérience du
processus de création. Ici l'œuvre n'est
pas finie, elle est « in progress ». Ce que je vois
aujourd'hui sera autrement demain, une invite à se déplacer à
nouveau.
Le Parcours
d'Anne
Guillois enferme des
objets non pour les soustraire à la vue mais pour les mettre en
évidence. Plusieurs cages d'acier galvanisé offrent à la vue leur
secrets comme si Anne Guillois « enfermait » pour mieux
réveler quelquechose d'elle-même : ainsi ce long parcours
géographique matérialisé par autant d'adresses différentes sur
les courriers qu'elle a reçus. Au spectateur de rentrer dans
l'intimité d'une vie et de discerner sous le grillage ou dans
l'épaisseur d'une pile de lettre, une date, le nom d'une ville ou
encore des objets choisis. Autant d'autels du temps grillagés comme
autant de grilles de lecture possibles.
Si
l'intime peut être l'essence du parcours, pour Loïc
Salaün c'est le paysage
qui en est le déclencheur. L'installation, A la Fenêtre,
composée de châssis de
fenêtres vient former, là encore, une grille de lecture d'un
paysage, ou plutôt de relecture. La photographie d'un bord de mer
est fragmentée, multipliée à l'envi et disposée sur les châssis.
Devant / derrière / à travers, Loïc Salaün nous livre son
dialogue avec la nature. Mais plus que cela, son installation induit
le déplacement à l'intérieur même du paysage photographié et
fait dialoguer le spectateur avec son paysage. L'experience à
laquelle il nous convie est multiple jusqu'à la conception d'un
nouveau paysage quand les éléments qu'il utilise se fondent dans
l'architecture de l'atelier.
Si le travail de
Loïc Salaun vient complexifier l'apparente évidence d'un paysage
marin, Gwenola Saillard-Calvez vient quant à elle capter la
complexité d'un monde pour faire œuvre. Elle se fait la témoin
privilégiée de la réalité des « roms » mais ne fait
pas ici reportage. Elle déporte une réalité sociale dure pour en
révéler la richesse humaine. Et par la même elle attise chez le
spectateur sa capacité à s'émouvoir. Art politique sans doute mais
pas politisé. Gwenola Saillard-Calvez se saisit d'une réalité et
l'emmène en dehors d'elle-même dans une autre réalité (celle de
l'atelier). Du bout de tissu, fragment de vie, du « presque
rebut », elle confectionne une multiplicité de poupées qui
constituent un mur dont la fonction n'est pas de séparer comme tant
de murs édifiés dans le monde mais d'inviter à entrer dans
l'intimité de l'œuvre, dans
un habitat où je te rencontre, où Uitate la mine / je te vois.
La
forme en devenir que conçoit Cécile Guieu
est de l'ordre de l'habitat. Coque
est constituée de morceaux de contreplaqués découpés et cousus
entre eux avec de la ficelle. Cette alliance de la souplesse et de la
rigidité confère à l'ensemble une malléabilité : Coque
se construit au gré des opportunités créées par chaque facette
précédemment assemblée. Ainsi, Cécile Guieu ne se borne pas à
accomplir ou exécuter un projet qu'elle aurait entièrement conçu
d'avance mais elle engage un processus qui raconte le « faire »
plus que le « fait ». Elle combine ainsi une certaine
rationalité avec l'imprévu. Le spectateur voit une partie de cette
enveloppe se constituer et doit en envisager son devenir, sa forme,
sa fonction. Coque procède
tout autant de l'enveloppe, de la carapace que du paysage accidenté.
Est-ce qu'un
paysage se découvre ou se conquière ? Les soldats que
représente Matthias Saillard ne sont pas là pour donner des
éléments de réponse. Matthias Saillard décline les grands genres
artistiques tels que la nature morte, le nu, le portrait. La série
de grands dessins WWRY-We will rock you et les Mercenaires dont
la source est une image de soldats américains débarquant en Irak en
2003 vient tenter d'épuiser le genre historique. Les soldats
deviennent un motif quasi dénaturé, épuisé par les traits de
stylo noir. Dans cette installation, le processus de noircissement de
la feuille est palpable alors que la figure du soldat naît sous les
yeux du spectateur. Elle peut tout aussi bien disparaître si l'on
fait le chemin inverse. Au même titre que les petits soldats en
couleurs dont le traitement les place à limite de l'effacement.
Le campement /
déplacement opéré par les 5 protagonistes à l'invite de Cécile
Guieu fait naître un territoire commun dont l'harmonie naît en
partie des dissonances plastiques et du choix de présenter des
œuvres in progress qui à leur tour invitent à revenir.
Bertrand Charles
bertrandcharles.blogspot.fr
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